Le voyage sans retour

Combien sont-ils dans cette cale,
Les corps lacérés, suants et sales
Tous entassés, serrés les uns contre les autres
Ramant même la nuit au clair de lune,
Dans ces embarcations de fortune
Les chevilles enchainées, les unes aux autres
Pour ceux qui ne peuvent plus suivre la cadence infernale
Cela fait vraiment mal !
Pas d'espoir de survivre
Ni bien sûr de vivre.
Malheur à celui qui soudain s'effondre de fatigue et d'épuisement
IL disparaît totalement.
Il n'a plus le temps, de voir venir
Il n'a plus de salut, plus d'avenir
Car aussitôt, il est balancé par dessus-bord
Sans regrets ni remords.
Personne ne s'inquiète de savoir s'ils sont réellement morts
Pour eux, on décide vite de leur sort.
Les malades, les faibles, les mourants, tous, dehors !
Ils ont tous tort !
Aux requins, ils serviront de nourriture,
Ou ils vont s'amonceler dans les fonds marins en pourriture
Pas de repos, pas de répit dans cette galère
Pour toi, mon frère
Naviguant dès l'aurore
Jusque dans la nuit sombre, encore et encore,
On entend des cris, des quintes de toux, des pleurs,
Des gémissements de souffrance et de douleur.
Tous arrachés à leur pays,
A leur hameau, à leur village,
Ils forment à présent un curieux équipage
Personne pour écrire ces quelques pages
Afin de garder quelques images,
Pour la postérité !
Au fait, auraient-ils eu l'occasion de les voir ces images ?
Ils partent pour une éternité
Prisonniers de ces frêles embarcations,
Combien d'entre eux arriveront à destination ?
Le corps blessé par le fouet, des plaies profondes et béantes,
Le manque d'eau potable, de nourriture,
Ne pouvant même pas se soulager comme l'impose la nature
Toujours sous la pluie, le soleil, le vent
Ils doivent ramer, ramer, ramer encore et toujours
Dans ce voyage sans retour,
Sans même apercevoir,
Dans la nuit froide et noire,
Une seule lueur d'espoir !