À peine parvenions-nous, nous poètes, à comprendre que nous avions tout à gagner à nous unir, à travers les frontières et par-delà les époques, pour faire entendre une voix plus haute, celle de l'amour, de la liberté et de la fraternité face à un monde en proie aux peurs et aux égoïsmes, que des forces obscures reviennent menacer le fragile équilibre de notre construction humaine !
Et aux plus enclins à sauter sur leur plume, de rédiger des textes exprimant leur révolte immédiate, de se mêler aux débats en place publique et de se précipiter à désigner les coupables les plus évidents, entrant de facto dans le jeu politique où d'autres qu'eux développeront plus ou moins innocemment des arguments d'une vision différente, du fait de leurs attachements d'origine mais souvent aussi de manipulations idéologiques.
Le poète soi-disant visionnaire ne peut entrer si spontanément dans le feu de l'action sans prendre garde aux enjeux en présence, car il n'est pas dans le secret des desseins stratégiques d'un domaine qui n'est pas le sien. Son monde à lui procède d'une unité universelle, d'une nature qui dépasse l'ordre établi et les événements de l'instant.
Alors oui, si l'on veut libérer son esprit et sa plume en expurgeant ses aigreurs contre telle monstruosité provocante du moment, pourquoi pas ? Mais le texte produit ne restera qu'en tant que note sur son carnet personnel, pour en garder le souvenir morbide. Il en sera tout autrement, si l'écriture d'un poème est parvenu à transcender le phénomène, le transformant en une véritable émotion - non pas une redite, ni un plagiat de l'histoire – mais la voix d'une haute valeur, transposable à la dignité véritable de l'Homme.
C'est à cette seule condition que, malgré toutes les tentations d'exalter nos consciences, nous préserverons cette unité si précieuse et indispensable qui caractérise la vraie poésie, pour nous octroyer la seule chance dont nous disposons encore de trouver la juste longueur d'ondes qui sera perçue par les oreilles de nos contemporains et, au-delà de leur courte existence, saura servir de référence aux générations ultérieures, pour les conforter dans une sagesse exempte de haine.
L'Humanisme des poètes se mesure réellement dans l'individualité de leurs actes et ce, dans la plus subtile discrétion, car, à défaut de cette sage pondération, leurs cris ne mériteraient pas le moindre écho.
En cette heure grave où les doutes sont permis quant à la vraie capacité de nos sociétés à faire montre d'un authentique pouvoir d'analyse objective, dans l'intérêt des peuples, mais aussi d'un système de gouvernance qui exclue la corruption et les mafias en tout genre, songeons qu'il nous appartient, à nous poètes, de faire honneur à notre corporation, mais surtout d'éviter tout risque de la diviser !