DU REFUGE DE LA POESIE . . .
Partagé entre la révolte et le repli sur soi, le poète s'interroge sur le sens qu'il doit donner à sa vie. Et quand bien même il voudrait s'élancer vers le vaste monde pour crier ce qu'il voit "d'en haut", de plus alarmant et angoissant, la société lui renvoie des signaux d'empêchement en tous genres.
Demeuré seul, sans trouver, à l'instar d'Archimède, le "lieu d'où il pourra ébranler la Terre", le poète expérimente son art en cherchant, travaillant et retravaillant les mots qui lui permettront - espère-t-il toujours - de parvenir à un échange audible et porteur de sentiments fraternels.
Car, il l'a compris, c'est par le verbe que l'on peut construire une civilisation heureuse et durable, alors que la force et la contrainte la mènent à sa destruction.
C'est ainsi que l'artiste-poète de nos "années vingt" qui commencent, plongé dans les conflits et morbidités d'une époque postmoderne qui évolue plus vite que son ombre, doit d'abord arriver à se recentrer en regagnant les sources de son imaginaire d'harmonie.
Pour cela, il devra éviter de se laisser emporter par des remous adverses destinés à annihiler sa volonté de lutter pour l'ensemble du vivant. Ces flux trompeurs, savamment orchestrés par des forces hégémoniques occultes, sont plus ou moins aisément identifiables par le consumérisme ambiant ou, dans un autre registre, par les incitations à peine cachées au repli sectaire.
Il en va tout autrement du domaine des rivières calmes et translucides d'une angélique mélancolie, d'où le poète puisera une grande part de sa précieuse inspiration. Il y fera escale pour y trouver, un temps, son refuge : Face aux laideurs du monde, il choisira ensuite le promontoire duquel il pourra mieux observer, ressentir, puis, ayant repris son souffle, il s'élancera de nouveau dans les flots enragés, avec une adresse maîtrisée.
Alors qu'il assistera aux prémisses d'une décadence menant à la barbarie, l'artiste-poète vrai sera reconnu parmi les justes, par sa détermination, son implication, la droiture de sa conduite mais aussi, en cela qu'il osera dénoncer les faux-habits de lumière, rejoindre ses frères de la Liberté dans un mouvement poétique solidaire, et tenir haut le flambeau des Arts et de la Culture, afin de rétablir l'indispensable Humanisme porteur de Paix.
Jean-Charles Dorge
Président de la SAPF